Mémoire – 27 septembre 2006

CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET 
DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES
INTERVENTION DE LA SOCIÉTÉ DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES ET DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DES AUTEURS MULTIMÉDIA EN RÉPONSE À L’AVIS PUBLIC CRTC 2006-5 CONCERNANT L’EXAMEN DU CODE RÈGLEMENTAIRE DE LA TÉLÉVISION EN DIRECT
LA SOCIÉTÉ DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES (SACD
LA SOCIÉTÉ CIVILE DES AUTEURS MULTIMÉDIA (SCAM)
4446, boulevard Saint-Laurent, bureau 202
Montréal, Québec
H2W 1Z5
Tél. : (514) 738-8877
Tlc. : (514) 342-4615
27 septembre 2006
SOMMAIRE
Comme le CRTC procèdera à l’examen de certains aspects du cadre réglementaire de la télévision en direct et notamment de la possibilité d’autoriser un tarif d’abonnement pour la distribution de certains signaux de télévision en direct par les entreprises de distribution de radiodiffusion, la SACD et la SCAM souhaitent comparaître à l’audience afin de préciser leur point de vue sur le rôle essentiel que jouent les radiodiffuseurs conventionnels dans le marché francophone au plan culturel, économique et social et faire valoir l’importante contribution des auteurs – scénaristes et réalisateurs – au système de radiodiffusion canadien.

I. INTRODUCTION

1. Fondée par Beaumarchais en 1777, la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) compte aujourd’hui plus de 42 000 auteurs, dont 1000 auteurs canadiens. Elle se consacre à la défense des intérêts matériels et moraux de ceux et celles qui font profession de créer des œuvres dramatiques. À Montréal, sous la présidence d’honneur de Gilles CARLE, la SACD est dirigée par un Comité des auteurs dont les membres actuels sont :
Robert FAVREAU, président
Émile GAUDREAULT, vice-président
Diane CAILHIER
Normand CANACMARQUIS
Marie CHOUINARD
Guy A. LEPAGE
Patrick LOWE
André MELANÇON
Maryse PELLETIER
Johanne PRÉGENT
Patrice SAUVÉ
Pierre-Michel TREMBLAY
2. Le répertoire de la SACD se compose d’œuvres scéniques (pièces, ballets, opéras, opérettes, revues, comédies musicales, mimes, sketches), d’œuvres télévisuelles et cinématographiques de fiction (téléfilms, séries télévisuelles, feuilletons, dessins animés, courts et longs métrages) et d’œuvres radiophoniques.
3. Pour sa part, la Société Civile des Auteurs Multimédia (SCAM) a été créée en 1981 pour administrer le répertoire des œuvres audiovisuelles qui était jusqu’alors géré par la Société des Gens de Lettres, une société qui avait été fondée en 1831 par un groupe d’écrivains dont Victor Hugo, Balzac, Alexandre Dumas (père) et George Sand. La SCAM compte plus de 22 000 auteurs, dont 370 au Canada. Son répertoire se distingue de celui de la SACD en ce qu’il est composé d’œuvres à caractère documentaire. La SCAM est également dirigée par le Comité des auteurs SACD dont les membres sont aussi auteurs de documentaires.
4. La SACD et la SCAM partagent des bureaux à Montréal dirigés par Élisabeth Schlittler, délégué général pour le Canada. Elles sont aussi établies à Paris et à Bruxelles.
5. Les deux sociétés négocient notamment des licences avec les radiodiffuseurs pour la diffusion des œuvres audiovisuelles de leurs membres et elles perçoivent les redevances découlant de ces radiodiffusions dans tous les territoires où elles sont présentes. Ainsi, les auteurs canadiens reçoivent des redevances pour l’exploitation de leurs œuvres en Europe. Elles répartissent aussi à leurs membres les redevances perçues au titre de la copie privée auprès des fabricants et des importateurs de supports vierges de plusieurs pays européens. Elles ont conclu des ententes de réciprocité avec d’autres sociétés de perception à travers le monde et elles sont en rapport avec des associations professionnelles.
6. La SACD et la SCAM ne sont ni des syndicats, ni des sociétés subventionnées par des fonds publics. Ce sont des sociétés francophones internationales qui ont été chargées par leurs membres de négocier, percevoir et répartir les redevances qui leur reviennent lorsque leurs œuvres sont exploitées, notamment par la radiodiffusion. C’est ce que l’on appelle la gestion collective du droit d’auteur. Cette gestion collective assure aux auteurs -et à leurs héritiers- d’être liés à la durée de vie économique de leurs œuvres.
7. Au Canada, les auteurs de l’audiovisuel bénéficient d’un système composite. En effet, leurs conditions d’engagement et de travail sont régies par les conventions collectives négociées par les syndicats dont ils sont membres alors que l’exploitation télévisuelle de leurs oeuvres est régie par les licences négociées par la SACD ou la SCAM, notamment avec les radiodiffuseurs conventionnels et spécialisés.
8. À ce jour, la SACD et la SCAM ont négocié des licences avec Radio-Canada/RDI, Télé-Québec, Télévision Quatre Saisons, le Groupe TVA, les chaînes Télé-Astral, Canal Mystère, Prise 2, Argent, LCN, Teletoon, Canal D, Canal Z, Canal Vie, Historia, Séries+, Super Écran, Vrak TV, ARTV, Musimax, Canal Évasion et la Canadian Retransmission Collective (CRC) pour le câble.

II. INTERVENTION DE LA SACD ET DE LA SCAM

9. En 1999, dans sa politique télévisuelle au Canada, le CRTC a cherché à assurer la disponibilité d’émissions canadiennes de qualité qui reflètent la réalité canadienne dans sa diversité. Les mesures adoptées par le CRTC visaient à encourager la diffusion de dramatiques originales, à augmenter les dépenses relatives à ces dramatiques et à accroître l’écoute de celles-ci par les téléspectateurs.
10. En 2006, le CRTC procède à l’examen de certains aspects du cadre réglementaire afin notamment de fournir un environnement dans lequel les titulaires peuvent contribuer de façon optimale tant au plan de la production que de l’acquisition et de la diffusion d’émissions canadiennes de haute qualité.
11. Malgré toutes les mesures incitatives du CRTC mises en place depuis 1999, la production et la diffusion des émissions sont aujourd’hui menacées. Nous en voulons pour preuve la récente décision du Groupe TVA de ne plus financer la production d’émissions dramatiques dites de série lourde, décision qui a aussitôt reçu un écho convergent de Radio-Canada. Les raisons invoquées portent essentiellement sur la diminution des revenus des radiodiffuseurs conventionnels, affectés tant par la fragmentation croissante des auditoires due à l’émergence de nouvelles plateformes de diffusion que par la diminution de leurs revenus publicitaires. L’autre raison invoquée est qu’alors que les radiodiffuseurs conventionnels sont les principaux investisseurs pour la production de ces émissions canadiennes de haute qualité, ils ne bénéficient que d’une seule source de revenus alors que les chaînes spécialisées disposent des revenus publicitaires et des revenus d’abonnement. Ainsi, les radiodiffuseurs conventionnels se disent pénalisés et prétendent ne plus être en mesure de jouer leur rôle d’initiateur de ces émissions.
  • Il faut pourtant rappeler que les émissions dramatiques de grande qualité sont depuis longtemps les émissions phares des radiodiffuseurs conventionnels de langue française. Leur très forte pénétration des foyers au Québec explique le fait que les radiodiffuseurs conventionnels de l’espace francophone occupent 56,5% du marché. En effet, qui ne se souvient pas de la série LES FILLES DE CALEB qui, il y a 20 ans, rejoignait chaque semaine plus de 3 millions de téléspectateurs? Plus tard, les téléspectateurs québécois se sont tordus de rire, pendant plusieurs années, devant l’absurde loufoque des personnages de LA PETITE VIE. Des séries comme OMERTÀ, L’OMBRE DE L’ÉPERVIER, CHER OLIVIER, LES ORPHELINS DE DUPLESSIS, CHARTRAND ET SIMONNE, UN GARS UNE FILLE et plus récemment, des séries comme FORTIER, LA VIE, LA VIE, GRANDE OURSE et LES BOUGON rejoignaient hebdomadairement chacune des millions de téléspectateurs au Québec et pour certaines d’entre elles, dans de nombreux autres pays.
  • Du côté des documentaires diffusés à la télévision, nul ne niera leur puissant impact social. Leurs auteurs nous offrent des films poignants et percutants qui questionnent la communauté dont ils sont issus. Il suffit de se remémorer les fortes répercussions sociales de documentaires tels que L’ERREUR BORÉALE, BACON, À HAUTEUR D’HOMME et de tant d’autres pour s’en convaincre.
  • Comment admettre alors qu’on fragilise un tel acquis que bon nombre de pays nous envient? Car rares sont les télévisions qui, à l’échelle mondiale, réussissent une telle pénétration de leur marché et une pareille fidélisation de leur auditoire.
  • La SACD et la SCAM croient qu’il est urgent de modifier le cadre réglementaire actuel afin de doter les radiodiffuseurs conventionnels de revenus supplémentaires. Dans cette perspective, leur donner accès à des revenus d’abonnement tout comme les chaînes spécialisées est une solution non seulement envisageable mais souhaitable. Mais nous croyons aussi qu’il est nécessaire qu’une exigence réglementaire impose aux radiodiffuseurs conventionnels des dépenses minimales à l’égard de l’acquisition, la production et la diffusion d’émissions canadiennes. Ces dépenses devraient être à l’abri des fluctuations trop importantes, de façon à permettre un développement et un renforcement de la communauté artistique qui crée ces émissions. Actuellement, les radiodiffuseurs conventionnels de langue française consacrent, selon le Conseil, en moyenne 37% de leurs revenus à cette fin. Nous croyons que ce pourcentage est un minimum qui devrait aller en augmentant, et être constitué de tous les revenus des radiodiffuseurs conventionnels, c’est-à-dire tant de leurs revenus publicitaires actuels que de leurs revenus d’abonnement si le CRTC les autorisait à en percevoir.
  • En conclusion, nous tenons à rappeler que le remarquable succès de ces émissions est largement dû au talent des auteurs – scénaristes et réalisateurs – qui les créent et qui, année après année, affinent leur métier et font preuve d’une vitalité et d’une créativité en pleine effervescence. Et que si l’on souhaite qu’un tel succès aille croissant, il est essentiel de leur en fournir les moyens.
  • Nous réitérons notre souhait de participer à l’audience publique afin de préciser notre point de vue sur le rôle essentiel des radiodiffuseurs conventionnels et des auteurs que nous représentons, qui contribuent à l’essor du système de radiodiffusion canadien.
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